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Ecrit par Benjamin Morand
Lundi 20 janvier, Stéphane Séjourné, commissaire européen pour la prospérité et la stratégie industrielle, a évoqué sur France Inter l’idée d’une « suppression du reporting ». Non sans lien avec le projet de loi dit « omnibus » qui vise à rendre l’Europe compétitive face aux enjeux internationaux, cette déclaration a enflammé le monde de la RSE et fait l’objet de nombreuses spéculations. Dans cet article, vous trouverez un résumé des principaux impacts auxquels s’attendre sur la CSRD à travers l’application de la loi omnibus.
Pourquoi un projet de loi omnibus ?
Dans un contexte où l’Union européenne cherche à maintenir sa compétitivité face à des économies internationales de plus en plus performantes, le projet de loi omnibus s’inscrit dans une stratégie globale d’harmonisation et de simplification des règles. Ce texte vise notamment à adapter les régulations existantes pour les rendre plus accessibles et pragmatiques, tout en alignant les normes sur les objectifs climatiques et sociaux fixés par le Pacte Vert européen. Parmi les volets abordés, la CSRD constitue un pilier central.
Quels impacts sur la CSRD ?
Si rien n’est encore arrêté sur cette loi, de nombreuses spéculations courent les réseaux et il peut être difficile de savoir à quoi s’en tenir. Afin d’avoir un aperçu des principaux changements à venir concernant la CSRD, Positive Company a réalisé une étude consolidant les prises de position de différentes parties prenantes clés de ce débat, comme le MEDEF, Business Europe ou l'AFEP, mais aussi la position de la France, de l’Allemagne et de la Commission Européenne. La loi omnibus n’étant pas encore publiée officiellement, les résultats de cette étude restent bien entendu à prendre avec recul.
Les principaux points qui ressortent de cette étude et auxquels il est possible de s’attendre sont les suivants :
- La CSRD resterait bel et bien en vigueur. Toutefois, la loi omnibus simplifierait les obligations de reporting pour les entreprises, en particulier pour les PME et les "small mid-caps".
- La CSRD préserverait son principe d’extra-territorialité, c’est-à-dire que toutes les entreprises étrangères opérant en Europe devraient s’y soumettre.
- Au niveau de la chaine de valeur, un ajustement des obligations de diligence serait réalisé pour éviter une surcharge administrative, en plafonnant les exigences de reporting demandées aux sous-traitants. Les grandes entreprises transfèrent en effet leurs obligations à leurs partenaires de plus petite taille. Le but serait donc de limiter cet effet de cascade en ajustant les obligations pour qu'elles soient proportionnées à la taille et aux capacités des entreprises.
- La double matérialité resterait un principe clé de la CSRD. Toutefois, les exigences de double matérialité seraient adaptées à la taille et aux capacités des entreprises. Il pourrait également y avoir plus de flexibilité dans la hiérarchisation des priorités en fonctions des spécificités sectorielles.
- L’analyse d’écart resterait une phase indispensable de la CSRD mais elle devrait se concentrer sur les données ESG les plus pertinentes, notamment celles liées à la double matérialité et aux objectifs climatiques.
- En termes d’indicateurs à reporter, le projet de loi Omnibus viserait à réduire de 25 % les obligations de reporting pour les grandes entreprises et de 35 % pour les PME. L’objectif serait de privilégier les indicateurs qui ont un impact direct sur les objectifs climatiques, environnementaux, sociaux et de gouvernance :
- Environnement : Scope 3 simplifié/moins exigeant pour les PME et les "small mid-caps" et priorisation des données sur les émissions directes (Scope 1) et indirectes liées à l'énergie (Scope 2).
- Social : réduction des indicateurs détaillés sur les conditions de travail dans la chaîne d’approvisionnement et concentration sur des données essentielles, comme les écarts de rémunération, la diversité et l’inclusion.
- Gouvernance : les indicateurs sur la composition des conseils d’administration ou la politique anti-corruption pourraient être normalisés pour réduire les variations d’interprétation.
Pour le calendrier de publication du rapport de durabilité, des mesures transitoires ou des ajustements de délais seraient envisagés pour permettre une mise en œuvre progressive. Les PME notamment, pourraient voir leur échéance de publication reportées.
Enfin, la Commission européenne proposerait une intégration des cadres existants (CSRD, taxonomie de l’UE, directive CS3D) pour uniformiser les exigences déclaratives. Les simplifications, elles, incluraient une harmonisation des normes européennes de durabilité (ESRS) avec d'autres cadres internationaux pour réduire la fragmentation et les coûts de mise en conformité.
Pour aller plus loin
Pour une analyse plus approfondie, il est possible d’accéder à notre étude contenant une synthèse des prises de positions par types de partie prenantes.
Télécharger l'étude complète
Que conclure ?
Le projet de loi omnibus pourrait bien redéfinir certains aspects stratégiques de la CSRD et poser les bases d’une compétitivité européenne durable. Cependant, une grande incertitude subsiste tant que la Commission européenne n’aura pas publié le texte définitif. La CSRD resterait bien maintenue, mais avec des simplifications destinées à alléger les charges administratives. L’incertitude compliquant la planification, il reste nécessaire de rester informé.