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Délais de paiement et RSE

Temps de lecture : 7 min
Ecrit par Florian Masseube

Pour de nombreuses entreprises florissantes, de start-up innovantes, tout semble bien se passer jusqu'au jour où un grand client tarde à payer. Un mois passe, puis deux, puis trois… Les factures s’accumulent, la trésorerie s’effondre et la banque commence à appeler. En quelques semaines, ce qui n’était qu’un simple retard de paiement devient un risque.

Invisibles au premier abord, les délais de paiement étouffent progressivement les entreprises, en particulier les TPE et PME. En France, un retard de paiement moyen de 12 jours équivaut à 19 milliards d’euros immobilisés chaque année dans les comptes des entreprises, selon l’Observatoire des délais de paiement. 

Pourquoi ce problème persiste-t-il malgré les réglementations ? Comment se compare la France au reste de l’Europe ? 

Réglementation en France et en Europe : des lois strictes, mais encore trop peu appliquées

Face aux risques que représentent les délais de paiement pour l’économie, la France et l’Union européenne ont mis en place des réglementations strictes visant à encadrer les pratiques et protéger les entreprises.

1. La législation française : des règles claires, mais une application encore insuffisante

En France, la loi impose des délais maximaux de paiement, définis par le Code de commerce :

  • 60 jours à compter de la date d’émission de la facture
  • 45 jours fin de mois dans certains cas spécifiques (secteurs spécifiques ou conventions particulières)

En cas de dépassement, des pénalités de retard obligatoires s’appliquent (taux minimal = taux directeur de la BCE + 10 points). En théorie, cela devrait dissuader les mauvais payeurs, mais dans la pratique, peu d’entreprises osent réclamer ces pénalités de peur de perdre un client important.

De plus, la DGCCRF (Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes) surveille ces infractions et peut infliger des sanctions financières pouvant aller jusqu’à 2 millions d’euros. Toutefois, les contrôles restent limités et les grandes entreprises trouvent souvent des moyens de contourner la loi.

2. La réglementation européenne : une volonté d’uniformisation et de renforcement

L’Union européenne a adopté en 2011 la directive 2011/7/UE sur les délais de paiement, qui impose des règles similaires aux entreprises et aux administrations publiques dans tous les États membres. Ses principales mesures incluent :

  • Un délai de paiement maximal de 30 jours pour les transactions avec le secteur public (sauf exceptions pouvant aller jusqu’à 60 jours).
  • Une compensation automatique des créanciers en cas de retard, avec des intérêts de retard obligatoires (au moins 8 % au-dessus du taux directeur de la BCE).

En septembre 2023, la Commission européenne a proposé un règlement plus strict visant à réduire le délai de paiement maximal à 30 jours pour toutes les transactions entre entreprises. Ce projet vise à protéger les PME, qui souffrent particulièrement des abus des grandes entreprises.

On constate néanmoins que les retards de paiement persistent. Les entreprises hésitent à faire valoir leurs droits et les sanctions ne sont pas toujours appliquées avec rigueur.

Dans la suite de cet article, nous allons explorer l'impact direct de ces délais sur les TPE-PME, les conséquences pour l’ensemble des entreprises et les initiatives comme le label Positive Company®, qui encourage des pratiques de paiement plus responsables.

Impact des délais de paiement sur les TPE-PME

En France, accorder des délais de paiement est une pratique courante, adoptée par 97 % des entreprises, tous secteurs et tailles confondus. Le délai moyen s'élève à 51 jours, un chiffre supérieur à celui observé en Allemagne (32 jours) ou en Pologne (42 jours).

Délai de paiement moyen

Les retards de paiement sont également fréquents : 85 % des entreprises françaises ont constaté des retards au cours des 12 derniers mois. Les TPE sont particulièrement vulnérables, 73 % d'entre elles ayant observé un allongement de ces retards, contre 55 % pour les ETI et grandes entreprises. Le retard moyen atteint 42 jours pour les TPE, 38 jours pour les PME et 26 jours pour les grandes entreprises.

Ces retards ont des conséquences significatives sur la trésorerie : plus de la moitié des TPE estiment que les retards de paiement ont un impact « très important » ou « critique » sur leur trésorerie. Cette situation peut entraîner des difficultés de paiement envers leurs propres fournisseurs, créant un effet domino potentiellement dévastateur.

Conséquences pour l'ensemble des entreprises

Au-delà des TPE-PME, l'allongement des délais de paiement affecte l'ensemble du tissu économique. En 2024, 39 506 défaillances d'entreprises ont été enregistrées sur les sept premiers mois de l'année, soit une hausse de 23 % par rapport à 2023 et de 26 % par rapport à 2019.

Les secteurs de l'automobile, de l'énergie, de la pharmacie, de l'agroalimentaire, des services financiers et de la construction sont particulièrement touchés, avec plus de 25 % des entreprises déclarant des retards supérieurs à deux mois dans ces domaines.

L'importance accordée par le label Positive Company® aux délais de paiement

Le label RSE Positive Company® accorde une attention particulière aux pratiques de paiement des entreprises. Lors de la labellisation, des enquêtes anonymes sont envoyées aux parties prenantes, notamment aux fournisseurs, pour évaluer la démarche RSE des entreprises en cours de labellisation et intègrent le respect des délais de paiement. 

Cette démarche souligne l'importance du respect des engagements financiers dans la responsabilité sociétale des entreprises. En intégrant ces critères, le label encourage les entreprises à adopter des pratiques commerciales éthiques, renforçant ainsi la confiance et la collaboration avec leurs partenaires.

Conclusion

La gestion des délais de paiement est essentielle pour assurer la santé financière des entreprises, en particulier des TPE-PME. Adopter des pratiques responsables en matière de paiement contribue non seulement à la stabilité des partenaires commerciaux, mais aussi à l'ensemble de l'économie. Les labels RSE, tels que Positive Company®, jouent un rôle clé en valorisant et en encourageant ces comportements vertueux.

Sources

  • Observatoire des délais de paiement : Le rapport annuel 2023 fournit des données détaillées sur les délais de paiement en France, notamment les retards moyens et leur impact sur les différentes tailles d'entreprises - banque-france.fr
  • Directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil : Ce texte législatif européen établit des mesures pour lutter contre les retards de paiement dans les transactions commerciales au sein de l'Union européenne - legifrance.gouv.fr
  • Commission européenne : La Commission propose un règlement visant à réduire les délais de paiement, avec des explications détaillées sur les mesures envisagées - ec.europa.eu
  • Deloitte Avocats : Une analyse approfondie des propositions de la Commission européenne pour lutter contre les retards de paiement, incluant les principaux changements proposés - blog.avocats.deloitte.fr
  • Ministère de l'Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique : Communiqué de presse sur la remise du rapport annuel 2022 de l'Observatoire des délais de paiement, fournissant des statistiques récentes et des commentaires officiels - presse.economie.gouv.fr
  • Le Monde : Article détaillant l'allongement des délais de paiement et ses conséquences sur les trésoreries des entreprises françaises, avec des données récentes et des analyses - lemonde.fr

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