Responsabilité sociétale et environnementale & Corporate social responsability

Les différences entre le marché français et américain



RSE ou CSR ? Les différences entre les marchés européens et américains

Officiellement, le concept RSE (Corporate Social Responsibility, CSR) est apparu et a été introduit aux États-Unis par Howard Bowen en 1953, mais peut-on dire que les entreprises sont davantage avancées sur le sujet que les entreprises françaises ?

Une vision de l’entreprise et des parties prenantes très distincte

Pour comprendre la RSE aux États-Unis, nous devons nous intéresser à la relation des américains avec les entreprises. La culture anglo-saxonne et en particulier les américains, ont une admiration pour le self-made men. Cette fascination facilite la confiance qu'ont les américains dans les entreprises. A l’inverse, en France, les français ont une plus grande méfiance par rapport aux entreprises.

Ce rapport à l’entreprise explique en partie pourquoi la RSE est abordée de manière différente d’un pays à l’autre. Aux États-Unis, la RSE n’est pas un sujet de société, les réglementations sont moins importantes et moins contraignantes. Le simple fait de créer de la richesse est considéré comme une contribution au développement de la société. Dans ce pays, lorsqu'une entreprise aborde une démarche RSE, cela provient donc davantage d’une volonté individuelle, notamment celle des entrepreneurs qui y ont vu une valeur ajoutée.

Une des entreprises américaines les plus emblématiques concernant ses engagements environnementaux est la marque de vêtements Patagonia. En effet, le fondateur Yvon Chouinard a marqué 2022, en offrant 100% du capital de l’entreprise à des structures en charge de la protection de la planète. Cette démarche reflète bien la volonté individuelle et personnelle du fondateur d’agir et de transformer l’impact de son entreprise.

Une autre différence clé entre la RSE aux États-Unis et en France est le niveau d'engagement des parties prenantes. En effet, aux États-Unis, sont considérées comme parties prenantes principales les actionnaires et les consommateurs. Or, en France nous prenons en compte un plus grand nombre de parties prenantes : les employés, les fournisseurs, les clients et les communautés locales. La concertation des parties prenantes peut s’articuler sous forme de comités consultatifs, où les parties prenantes peuvent remettre en cause et challenger la stratégie RSE des entreprises.

Les différences dans la régulation RSE : soft law vs hard law

Le manque de régulations s’explique par la faible ingérence de l’Etat dans le système économique américain. L’intervention des pouvoirs publics dans l’économie est très mal perçue par les américains. C’est donc aux entreprises de décider de leurs projets sociaux, environnementaux et sociétaux, elles sont libres d’utiliser comme elles l’entendent et ont la liberté de mettre en place des projets RSE ou non. Il est ainsi considéré que les entreprises, au même titre que les individus, sont responsables de leurs actions et doivent ou non mettre en place des actions responsables. En général, la RSE est principalement une initiative volontaire motivée par le désir des entreprises d'améliorer leur réputation et d'attirer des consommateurs socialement responsables. L’implémentation de démarches RSE peut également provenir des pressions exercées de la part des actionnaires ou des consommateurs. Un parfait exemple est BlackRock, un des investisseurs américains les plus influents de la planète, qui a fait savoir à ses clients en 2018, qu’ils ne pourront plus se contenter de faire uniquement des bénéfices mais qu’ils devront également contribuer à la société, s’ils veulent continuer de bénéficier du soutien du groupe.

Toutefois, le fait que les entreprises ne soient pas contraintes par des régulations strictes comme en France, leur permet d’avoir une plus grande marge de manœuvre. Elles sont libres de choisir leur champ de bataille et ont souvent leurs projets portés par le volontariat des employés, ce qui peut faire avancer les projets plus loin qu’en France.

Cependant, le fait que la RSE ne soit pas encadrée aux États-Unis par des instances publiques engendre notamment un manque important d'accompagnement des entreprises. S’ajoute à cela, le manque de directives communes entre toutes les instances internationales comme l’ONU, l’IIRC ou américaines comme la SEC ou la CEC. L’exemple de la SEC reflète bien le manque de cadre aux Etats-Unis. En effet, en mars 2022, la Securities and Exchange Commission (SEC), en charge de la réglementation des marchés financiers, a demandé aux entreprises américaines cotées, d’ajouter des informations liées aux enjeux climatiques à leur rapport 10K, initialement dédié uniquement aux informations de performance financière des organisations. Cette demande fait déjà face à une opposition et plusieurs personnes s’interrogent sur la légitimité de la SEC pour s’occuper d’informations extra-financières.

Les entreprises agissent ainsi de leur côté, sans efforts collectifs structurés et alignés dans la même direction, réduisant en conséquence l’impact sociétal de leurs projets. Sans un cadre déterminé, sans contrainte de la part des consommateurs ou sans reconnaissance du bénéfice apporté par les démarches RSE, beaucoup d’entreprises américaines ne changeront pas pour le moment leur modèle d’affaires.

Le changement grandissant de la société américaine amènera-t-elle bientôt la mise en place de régulations publiques autour de la RSE ?

En France, les réglementations encadrant la RSE sont plus importantes, entre les lois Grenelle, l’obligation de reporting RSE avec notamment la directive CSRD, la DPEF et la Taxonomie Européenne, la réalisation de bilan carbone, en passant par la loi PACTE et la nouvelle réforme du marché carbone… Elles structurent et accompagnent les entreprises en les poussant à modifier leur modèle d’affaires. Elles obligent également les entreprises à rendre publiques des informations sur leur impact social et environnemental. La loi sur le "devoir de vigilance", en date du 27 mars 2017 et reprise par l’Union Européenne en 2022, contraint une partie des entreprises à établir et à mettre en œuvre un plan de vigilance pour prévenir les violations des droits de l'homme et les atteintes à l'environnement dans leurs activités et leurs chaînes d'approvisionnement. Les entreprises françaises sont également tenues d'adhérer à certains principes éthiques et d'inclure des considérations sociales et environnementales dans leurs décisions stratégiques. A l’instar des entreprises américaines, les entreprises françaises peuvent être accompagnées dans leur démarche RSE par des organismes publics tel que l’ADEME, Agence de l’Environnement et de la Maîtrise de l’Energie, en charge de la transition écologique.

Pour résumer, la RSE est abordée de manière assez différente aux États-Unis et en France. La vision de l'entreprise, les parties prenantes et les régulations expliquent pourquoi les entreprises françaises sont davantage engagées sur ces sujets, là où les entreprises américaines, partant d’une initiative volontaire et ayant une plus grande liberté, peuvent aborder ces sujets de manière plus innovante.

Outre les régulations encadrant la RSE pour les entreprises, il est également important de souligner les différences majeures entre le droit du travail américain et le droit du travail français, l’impact social étant une des piliers de la RSE. En vertu de la loi américaine sur l'emploi, il n’existe aucune obligation légale d’un contrat de travail écrit. La relation de travail entre l’employeur et l’employé est donc qualifiée d’”at will”, c'est-à-dire résiliable par l'une des deux parties, avec ou sans motif ou préavis. Le Congrès Américain a seulement défini des lois protégeant le licenciement en cas de discrimination basée sur la race, la couleur, la religion, le sexe, la grossesse, l’âge ou de l’handicap.

Dans la même lignée, le Fair Labor Standards Act (FLSA) n'exige pas le paiement des heures non travaillées, telles que les vacances ou les jours fériés. Il revient donc à l’employeur et au salarié de définir ensemble les termes du contrat, incluant ou non des congés payés. A titre de comparaison, en France, la première loi sur les congés payés apparaît en juin 1936. Aujourd’hui un salarié peut bénéficier de 30 jours de congés par an.

Concernant l’accès à la santé, il faut distinguer principalement le financement des systèmes de santé ; privé pour le système américain et public pour le système français. En France, pour accéder à la sécurité sociale, il suffit d'être né en France, d'avoir un travail en France ou simplement d'y habiter de façon stable et régulière. Aux Etats-Unis, l’accès à une assurance maladie publique est bien plus difficile. C’est pourquoi, selon United States Census Bureau, en 2021, 8,3% des américains (soit environ 27,3 millions d’habitants) n’avaient pas d’assurance maladie, qu'elle soit privée ou publique et seulement 35,7% des américains étaient couverts par une assurance maladie publique.

La labellisation, un système de notation représentatif des différences culturelles

Si la RSE est abordée de manière différente aux États-Unis et en France, peut-on retrouver ces différences dans des labels, notamment entre le label B corp et le label Positive Workplace ?

Créé en 2006, le label américain B corp certifie les démarches sociales, environnementales et sociétales des entreprises privées ayant au moins 1 an d'existence. Le label ne certifie donc pas les associations ou les collectivités. A l’inverse, le label Positive Workplace, créé en 2019, ne certifie pas uniquement les organismes à but lucratif puisqu’il certifie les ONGs également.

Le B Impact Assesment, la grille de diagnostic qui résulte en une notation sur 200 points, évalue les entreprises sur 5 thématiques : la gouvernance, les collaborateurs, les communautés, l’environnement et les clients. Il faut obtenir une note globale supérieure ou égale à 80 pour être certifié, indépendamment du score obtenu sur chaque thématique. Cela implique que deux entreprises obtenant un score de 100 sur 200, peuvent avoir un impact très différent sur les 5 thématiques, une peut avoir un impact social fort sur les communautés quand l’autre peut avoir un impact positif plus important sur l’environnement. En plus de la note obtenue au BIA, les entreprises doivent changer obligatoirement leurs statuts pour s’engager de manière pérenne dans leurs démarches environnementales et sociétales Comptez environ plus de 6 mois pour obtenir le label B corp avec un renouvellement du label tous les 3 ans.

Le label PWP analyse également 5 thématiques : la gouvernance, le cœur de métier, l’impact social, environnemental et sociétal. Pour obtenir le label, il faut obtenir une note supérieure ou égale à 50 sur 100. Les notes ne se compensant pas, il faut obtenir une note minimum sur chaque thématique analysée. La principale différence dans la notation entre B corp et PWP résulte dans le poids donné aux parties prenantes. En effet, 50% de la note finale pour obtenir le label PWP provient de l’analyse des parties prenantes. A l’instar de B corp, une entreprise peut être labellisée Positive Workplace au niveau 1 en n’ayant pas encore procédé à des changements dans ses statuts juridiques. En effet, le label PWP compte 3 différents niveaux pour la labellisation :

  • 1 étoile : note entre 50 et 59,99
  • 2 étoiles : note entre 60 et 69,99 et réalisation du bilan carbone ou l’inscription de la raison d’être dans les statuts juridiques
  • 3 étoiles : note supérieure ou égale à 70, réalisation du bilan carbone et inscription de la raison d’être dans ses statuts juridiques

Comptez environ 3 mois pour l’obtention du label Positive Workplace avec un audit de renouvellement tous les 18 mois.

Pour résumer, le label B corp et le label Positive Workplace analysent dans un premier temps les entreprises via leur propre référentiel ; le BIA Assesment pour B corp, régie de manière indépendante par un conseil consultatif des normes, et le référentiel RSE PWP, qui se base en grande partie sur la norme ISO 26 000. Les différences principales proviennent notamment de la notation, du poids des parties prenantes, qui reflètent notamment la vision française de l’engagement des parties prenantes, et de la durée du processus. Pour aller plus loin, il serait intéressant de débattre des certifications ou labels RSE fondées uniquement sur revues documentaires.

Sources :


Ils ont survécu à la CSRD : Témoignages et évolutions réglementaires.