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Ecrit par Benjamin Morand
L’écart de rémunération entre les femmes et les hommes dans l’Union européenne demeure préoccupant, atteignant 13 % en 2020. Cet écart varie considérablement entre les États membres et n’a que très peu diminué au cours de la dernière décennie. Plusieurs facteurs contribuent à cette disparité, notamment les stéréotypes sexistes, le maintien du “plafond de verre” et du “plancher collant”, ainsi que la ségrégation horizontale, avec une surreprésentation des femmes dans les emplois de services faiblement rémunérés.
De plus, le partage inégal des responsabilités familiales joue un rôle significatif. La discrimination, qu’elle soit directe ou indirecte, en matière de rémunération fondée sur le sexe, aggrave également cet écart. Ces obstacles structurels posent des défis complexes pour atteindre l’égalité salariale et des emplois de qualité. À long terme, ils entraînent des conséquences telles que des écarts de pensions de retraite et une féminisation de la pauvreté.
Afin de lutter contre ces inégalités de genre, le Parlement Européen et le Conseil publient en mai 2023 la directive (UE) 2023/970, qui a pour objectif à renforcer l'égalité de rémunération entre les hommes et les femmes pour un même travail ou un travail de même valeur, conformément à l'article 157 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne. A noter que tous les changements mis en avant s’appuient sur les définitions de travailleur et de rémunération au sens du droit européen. Un travailleur au sens du droit européen désigne donc toute personne ayant un contrat avec une entreprise, une organisation ou une personne, quelle que soit la nature du contrat. Les stagiaires, les apprentis, les travailleurs domestiques sont donc inclus dans cette définition. La rémunération, quant à elle, englobe non seulement le salaire mais aussi les composantes complémentaires ou variables, en espèces ou en nature.
Cet article a donc pour vocation de résumer les apports de cette nouvelle directive et de comprendre quels sont les principaux leviers des entreprises pour agir.
Quels changements apporte cette directive ?
1) Transparence des rémunérations
Les employeurs doivent garantir la transparence salariale à plusieurs niveaux :
- Avant l'embauche : Ils sont tenus d'informer les candidats sur la rémunération initiale ou la fourchette de rémunération prévue pour un poste.
- Pendant l’emploi : Les travailleurs peuvent demander des informations sur leur salaire et sur les écarts de rémunération entre hommes et femmes pour les postes de même valeur.
2) Communication des écarts de rémunération
Les entreprises comptant au moins 100 travailleurs doivent publier des rapports sur les écarts de rémunération entre hommes et femmes, incluant les composantes variables et fixes des rémunérations.
Les plus grandes entreprises (250 salariés et plus) doivent publier ces rapports annuellement, tandis que les plus petites (100 à 249 salariés) doivent le faire tous les trois ans.
3) Évaluation conjointe des rémunérations
Lorsque les écarts de rémunération dépassent 5% sans justification objective, les employeurs doivent procéder à une évaluation conjointe avec les représentants des travailleurs afin de corriger ces inégalités.
4) Protection et recours
Les travailleurs sont protégés contre toute discrimination ou rétorsion liée à la demande de transparence ou à des actions pour faire respecter l'égalité salariale. La directive prévoit des voies de recours en cas de violation, notamment par des recours judiciaires simplifiés et le droit à une indemnisation.
5) Rôle des organismes pour l’égalité
Les États membres de l’UE doivent désigner des organismes pour l’égalité chargés de surveiller l’application de la directive, d’accompagner les employeurs dans l'évaluation des rémunérations, et de soutenir les travailleurs victimes de discriminations salariales.
6) Renversement de la charge de la preuve
Le concept de "renversement de la charge de la preuve" est un concept clef de la directive. Il s’agit d’une disposition juridique importante dans le cadre de l'égalité de rémunération. Cela signifie que, dans le cas où un salarié présente des éléments de fait indiquant une possible discrimination salariale, ce n'est pas à lui de prouver la discrimination, mais à l'employeur de démontrer qu'il n'y a pas eu de discrimination, et que la différence de traitement est justifiée par des critères objectifs, neutres et non sexistes.
Dans le contexte des inégalités de rémunération entre hommes et femmes, ce mécanisme facilite l’accès à la justice pour les salariés, car prouver une discrimination salariale peut être difficile sans transparence sur les critères de rémunération. Ce renversement permet de rétablir un équilibre en transférant la responsabilité à l’employeur.
7) Sanctions
Les États membres doivent prévoir des sanctions effectives, proportionnées et dissuasives en cas de non-respect des obligations de transparence et d'égalité salariale, telles que des amendes ou l'exclusion des appels d’offres publics pour les contrevenants.
Quelles mesures mettre en place au sein d’une entreprise ?
Pour prévenir de ces risques d’inégalités de rémunération, les entreprises ont à leur disposition plusieurs leviers concrets pour agir.
1) Détecter les écarts par le reporting
Avant d’agir, il est nécessaire d’analyser régulièrement la situation de l’entreprise, en mettant en place des indicateurs pour examiner les écarts de rémunération entre les hommes et les femmes.
2) Sensibilisation et formation
Afin de prévenir des inégalités de rémunération, la formation sur l’égalité de rémunération des managers et des responsables RH aux enjeux de l'égalité salariale peut être un moyen efficace de prévenir des biais inconscients dans les décisions salariales et les promotions.
3) Promotion de la diversité dans les processus de recrutement et de promotion
Il peut s’avérer judicieux de s’assurer que les processus de recrutement et de promotion soient exempts de biais sexistes. Utiliser des pratiques telles que l’anonymisation des CV ou la mise en place de comités de recrutement mixtes peut permettre de les éviter.
4) Sanctions et mécanismes de recours
Mettre en place un mécanisme interne de plaintes pour les salariés est un moyen efficace de leur permettre de signaler toute discrimination salariale ou inégalité de traitement. Ce mécanisme doit être confidentiel.
Il est également possible de prévoir des sanctions internes contre les responsables d’inégalités ou de discriminations en matière de rémunération.
5) Engagement des parties prenantes
L’engagement des parties prenantes est un élément clef du sujet. Celui-ci peut s’obtenir à travers l’obtention de certifications ou de labels, en embarquant tous les acteurs de l’entreprise. Les labels "Égalité professionnelle" ou "Diversité" de l’Afnor sont des exemples possibles.
En résumé, la directive impose des mesures concrètes pour améliorer la transparence des rémunérations, réduire les écarts salariaux, et garantir un accès renforcé à la justice pour les victimes de discriminations salariales, tout en renforçant les obligations des employeurs en matière de respect de l’égalité hommes-femmes dans les salaires. Les entreprises ont de leur côté des moyens d’agir pour prévenir des inégalités de rémunérations, notamment par la prévention et l’analyse d’indicateurs de rémunération.
Si la rémunération responsable vous intéresse, n'hésitez pas à regarder le replay de notre atelier sur le sujet :